1999-2019 : l’association a 20 ans

Cet anniversaire est l’occasion de faire quelques bilans, de revenir sur les actions passées, la création de l’association et son développement…

La Fête des Plantations sera inaugurée officiellement cette année le samedi midi et se tiendra sur le week-end contrairement aux éditions précédentes, nous aurons ainsi l’occasion de rappeler nos actions et de faire connaître l’association encore plus largement auprès des acteurs et décideurs locaux et d’inviter les anciens membres de l’association avec qui nous avons beaucoup de souvenirs en commun.

J’ai proposé à Michèle Monachon, la première présidente de l’association, et à ses deux successeurs, Daniel Pons et François Moura,  d’apporter leur témoignage. Voici leurs impressions et souvenirs :

 la première affiche de l’association

Michèle Monachon

Vers la fin des années 90, nous étions quelques-uns à nous dire : « Et alors, en dehors des Golden du supermarché, peut-on trouver d’autres pommes ? »
Et puis, l’un a dit « mon voisin a un pommier dans son jardin, elles sont délicieuses mais je ne sais pas ce que c’est ? » L’autre avait des prunes chez son grand’père ou des poires chez son beau-frère. Et puis elles avaient de si jolis noms : le museau de lièvre, la pomme de tante…

Toutes ces considérations ont amené quelques pionniers à envisager une mise en commun des trouvailles. Daniel, Marie-Lau, Elisabeth, Michèle, Jean-Pierre, François et les autres se mirent au travail, et une idée d’association vit le jour. Il lui fallait un nom, Evelyne Leterme avait écrit un livre sur les « Fruits retrouvés » qui nous permit de trouver « Les Verges retrouvés du Comminges ».

L’Association naquit officiellement le 7 juillet 1999.

Eh oui ! Vingt ans déjà et une belle carrière : les premières réunions avaient permis de définir des objectifs : retrouver des variétés anciennes, les protéger, pratiquer des greffes. Un atelier greffe s’organisa, des études pomologiques suivirent et puis peu à peu des expositions s’organisèrent, des visites au Conservatoire, la création d’un verger éclaté, des bourses d’échange de greffons, des interventions dans les écoles, la publication de brochures…
Après s’être intéressée aux pommes, l’Association s’est penchée sur les poires, les pêches, les abricots, les prunes et les cerises. Et d’année en année les actions se sont diversifiées, les adhérents se sont multipliés, les demandes d’intervention, de vente d’arbres, les échanges de greffons, etc, aussi.

Enfin d’une manière générale, l’Association s’est attachée à mettre en avant l’importance du patrimoine fruitier du Comminges. Nos maîtres-mots : sauvegarder et faire connaître..

Alors, bon anniversaire à tous et rendez-vous à la prochaine Sainte Catherine !!!

 

Daniel Pons :
Hommages aux Paysans, à Claude Méda, aux Passionné.e.s de l’arbre fruitier

Cette contribution répond à une demande de l’association pour ses vingt ans. Elle vise à retracer une histoire, un parcours et un engagement citoyen pour un patrimoine pomologique – aujourd’hui une biodiversité patrimoniale fruitière – les arcanes d’une culture enfouie, une lente érosion et une timide résurgence par le biais associatif

Une Histoire

Si l’on s’en tient à la petite histoire l’Association les Vergers Retrouvés du Comminges est née en 1999 un samedi matin lors d’une réunion publique à l’ancienne salle de vote d’Aspet… Les personnes réunies ce matin-là avaient répondu à une invitation lancée par Claude Méda, responsable local de la Chambre d’Agriculture à St Gaudens.

Claude Méda avait initié à partir de 1995 une formation en arboriculture fruitière destinée aux agriculteurs / éleveurs locaux dans la cadre d’une diversification de leurs activités. A sa grande surprise les 20 / 30 personnes qui suivirent cette formation de trois ans furent plus des néo-ruraux et/ou des néo-habitants Commingeois que des agriculteurs eux-mêmes.

Au bout de ces trois ans le financement agricole de cette formation « pour des agriculteurs » fut stoppée au vu du peu de gens de la profession à qui elle était dédiée. Que faire de ce groupe de  passionné-e-s  en herbe ? C’est de là que naquit cette idée de réunion publique à Aspet pour faire vivre ce groupe en lançant l’idée d’une association qui fête donc aujourd’hui ses 20 ans…

Pourquoi l’arboriculture fruitière ?

Oui mais pourquoi une diversification sur le sujet de l’arboriculture, de l’arbre fruitier et du pommier en particulier ?

Le Comminges est situé sur le piémont des Pyrénées Centrales et est idéalement placé pour la culture de l’arbre fruitier avec un bon ensoleillement et une bonne lame d’eau. Les prairies naturelles sont grasses et témoignent aussi de la richesse et de la profondeur des sols. Le forestier Louis de Froidour, de passage dans le Comminges vers 1665, avait déjà remarqué ces verts pâturages…

De fait, ce contexte géographique a permis, sur la longue durée de l’histoire paysanne commingeoise, la création et l’acclimatation par des apports successifs et conséquents (paysans, colporteurs, échanges etc..) d’un patrimoine considérable de variétés de pommes principalement mais aussi de poires, de prunes, de cerises etc…

Cette culture au double sens du mot s’est développée dans les fermes locales jusqu’à 1000 mètres d’altitude. Les arbres étaient plantés soit individuellement autour des bâtiments, soit le plus souvent en alignement sur un talus, le long d’un champ… Les variétés étaient diverses et couvraient toutes les saisons de l’année…

Vers les années 1920 / 1930 la Compagnie des Chemins de Fer du Midi engagea localement des formateurs en arboriculture et deux vergers de démonstration furent plantés à Oô et Sauveterre de Comminges avec des variétés dites modernes c’est-à-dire belles donc grosses (cueillette plus facile et plus rémunératrice), bonnes c’est-à-dire acidulées, sucrées et juteuses pour sensibiliser et former les paysans / éleveurs du Comminges à l’arboriculture, à la taille, à la greffe et à la plantation et à une production plus rationnelle des vergers.

Le but affiché pour la Compagnie était de pouvoir récupérer le volume de la production pour son fret… mais aussi, par rebond, de former à une certaine éducation un nouveau consommateur avec déjà une homogénéisation du goût. Il reste encore de-ci de-là ce type de vergers de pommiers de plein vent préindustriel. Un marqueur du paysage et d’un début de l’histoire de la consommation…

Le début de la fin de l’arboriculture locale paysanne – celle des pommiers sur les talus ou au coin d’une parcelle – commença vers 1960 avec la mécanisation et l’agrandissement des champs (remembrement) : ces arbres gênaient et ils commencèrent à être arrachés mais aussi intervinrent les plantations de vergers intensifs à forte production depuis la moyenne vallée de la Garonne jusqu’au Bazert. L’ère industrielle d’une production rationalisée pour une consommation de masse commençait vraiment.

Vers 1990 il restait encore des bribes de cette histoire chez de vieux paysan.e.s et d’un certain modèle vivrier, d’une certaine culture, marqueur d’un certain paysage. Il restait encore dans la campagne les bribes de ce fabuleux patrimoine variétal.

Claude Méda portait cette histoire du Comminges et de la pomme en lui. Cette histoire de récolte sous les plein vent des pré-vergers… Enfant, comme beaucoup et beaucoup d’autres, il avait ramassé ces pommes avec son grand père et en particulier une variété locale appelée œil gros ou bolivarde ou pomme des lauriers car l’on pouvait la manger jusqu’à Pâques…Il parlait avec délice de cette pomme, de son parfum et arôme si particuliers, de sa texture de chair, de sa garde…L’arbre lui-même était original avec son port très droit si particulier…

Une prise de conscience et le début d’une recherche de terrain

Lorsque je suis arrivé dans le Comminges en septembre 1988 comme garde forestier, j’ai été de suite attiré par ces pommiers dans les champs dont beaucoup étaient déjà bien abîmés et / ou couverts de gui. Je portais déjà en moi un intérêt et une curiosité pour les arbres fruitiers, pour le greffage et la transmission…

Ici je ne connaissais aucune de ces variétés. Petit à petit j’ai tiré les fils en rencontrant sur le terrain les greffeurs patentés de chaque village…Je me rappelle avoir pris des vacances pour ramasser ces pommes, pour essayer de les identifier. J’ai alors commencé à rencontrer des gens d’Ariège à Daumazan qui eux aussi travaillaient sur ce patrimoine, notamment Alain Pontoppidan, puis la directrice du Verger Conservatoire de Montesquieu à côté d’Agen – Evelyne Leterme – alors installée à l’Ecomusée de Sabres dans les Landes. Avec leur aide, celle des greffeurs locaux mais aussi celle des livres (dictionnaires de pomologie de Leroy) nous avons pu reconstruire une histoire et identifier pas mal de variétés de pommes principalement : les pommes locales bien connues, les pommes modernes introduites, les nombreux apport uniques… En 1995 puis 2008 Evelyne Leterme consacra dans son bouquin « Les Fruits retrouvés » une page à quelques pommes du Comminges que je lui avais données.

L’émergence d’une histoire enfouie

A ce moment-là j’étais souvent invité à participer à des marchés gourmands… au titre d’une certaine curiosité …. Un petit coin de table m’était réservé pour montrer ces pommes qui ne voulaient pas mourir …. Je leur mettais un nom : œil gros, coutras, museau de lièvre, anglaise, platête, blanche d’Espagne, chourro, centrou, Estelle, pomme orange, pomme de Bethmale, calville rouge, mascouade, belle de mai, transparente de Croncels, apion, reinette de Comminges, douce nerruque, belle des bois, toureillère, blanche de Sengougnet ou pomme à huile, angélique, bosco, rambourg…

Un samedi matin à St-Gaudens une Mémé s’approcha de la table, s’arrêta et se figea devant ce tableau de pommes… de sa main elle prit une coutras… je me suis approché car je voyais bien qu’il se passait quelque chose …. Je vis alors des larmes qui commencèrent à couler sur son visage et elle me dit « je ne pensais pas revoir cette pomme un jour… je croyais qu’elle avait disparu ….enfant j’en ai ramassé tant et plus…celle-là c’était la dernière …on la gardait jusqu’à la moisson …» Je lui ai donné ces pommes et elle fût très touchée.
Si je raconte cette histoire c’est pour montrer l’incrustation d’une histoire vécue entre les Paysans du Comminges et les arbres fruitiers, le pommier principalement, et je dirais même uniquement quelques variétés de pommiers : l’œil gros, la coutras, la toureillère, l’anglaise, la chourro, l’estelle, la très particulière apion…

Une exposition de pomologie fut organisée en 1996 à la salle des fêtes de Montsaunès où 300 variétés locales et régionales furent exposées…Un film fut fait de cette expo par un habitant de Montsaunès. Y participèrent principalement les deux Conservatoires, les Ariègeois de Renova, de nombreux locaux, la commune de Montsaunès… A la suite deux chantiers de collectage de greffons pour la sauvegarde des principales variétés furent organisés pour les deux conservatoires d’Aquitaine et de Midi-Pyrénées à Puycelsi dans le Tarn.

Le début de l’association et la diversité des tâches ….

C’est dans ce contexte que je suis rentré à l’association dont j’ai été président pendant quelques années. Avec le groupe nous avons continué les identifications, réalisé un premier inventaire biologique et organoleptique de ces variétés, réalisé des expositions surtout à l’automne, lancé la pépinière éclatée pour permettre une nouvelle diffusion de ces variétés car l’on nous demandait dans les expositions où nous participions comment se procurer ces arbres, organisé des journées communes de greffage pour la pépinière ( 150 scions / an soit potentiellement en 20 ans 3000 arbres !!! mais que sont devenus ces arbres ?

Nous proposions ces scions à la vente avec une entrée de vente à 3 critères, ce qui était totalement contraire à l’art de la vente qui vise plutôt la simplification de l’approche  vendeur /acheteur. Ces trois critères mettaient en perspective le terrain disponible pour la plantation à mettre en relation avec la vitalité du porte greffe, la saison de consommation et la maturité du fruit (été, automne, hiver) et enfin la nature du goût… un véritable parcours initiatique qui laissait souvent complètement abasourdis les acheteurs…

Nous avons aussi mis en place un atelier du goût pendant 2 ou 3 ans à la ferme du lycée agricole de St Médard, aidé à la mise en place du verger du lycée agricole (50 variétés de pommes), travaillé sur le verger Sarrieu du 18ème siècle de Martres-Tolosane, un dico de pomologie écrit par un érudit au début du 20ème et mis à notre disposition lors d’une expo à Saleich…

Le travail de terrain explora aussi les vignes locales (Cf. Cépages du Sud-Ouest, 2000 ans d’histoire, mémoire d’un ampélographe paru en 2001) et nous permit de trouver le dernier hautain de vigne sur érable à Saleich. Une représentation graphique en fut réalisée dans le petit bouquin de Solagro en 2003 « Architecture végétale de Midi-Pyrénées ».

J’ai eu cette ambition au vu de la formidable diversité variétale, mais qui n’a pu aboutir, d’inventorier les archives locales et régionales, notamment par exemple les catalogues des pépiniéristes, les archives de la Compagnie des Chemins de fer du Midi, les archives des Collecteurs, les archives des Abbayes locales et des Châteaux, inventorier la mémoire locale cela pour permettre de mieux comprendre les flux et l’intensité de cette histoire…

Il existait encore au début des années 2000 un paysan qui venait vendre ses pommes sur le marché de Salies du Salat. Son verger était planté de plein vent gigantesques de Reinette Anglaise, d’Estelle, d’Oeil gros et Blanche d’Espagne…les pommes étaient vendangées en octobre et déposées les unes à côté des autres et par qualité sur le parquet d’un grenier ouvert aux vents. Il s’installait sur le marché à partir de novembre jusqu’en avril et sortait ses pommes stockées dans des caisses en bois d’une vieille 4 L fourgonnette blanche. Les pommes n’avaient pas de nom. Les habitués du marché le connaissait et surtout connaissaient encore les qualités de ces pommes, la nature de la chair, les parfums, la garde…